Journal des maires – www.journaldesmaires.com mars-avril 2014
Développement économique
L’impression en 3D pour tous
Les ateliers de fabrication numérique, les Fab Labs, commencet à créer une nouvelle réalité économique, complémentaire de la production industrielle de masse. Exemple à Biarne dans le Jura.
Le concept de Fabrication Laboratories (atelier de fabrication), ou Fab Lab, a été inventé en 1999 par un chercheur américain du Massachusetts institute of technology (MIT). Le Fab Lab c’est l’atelier de bricolage du XXIème siècle. On y trouve des machines pilotées par ordinateur qui permettent de fabriquer à l’unité des objets divers. La star du système est l’imprimante 3D. En quelques minutes ou en quelques heures, elle est capable de fabriquer une pièce physique à partir d’une simple image en trois dimensions, en superposant un millefeuille de couches.
« Il y a dix ans, une imprimante 3D coûtait dans les 150 000 euros, alors que les premiers d’aujourd’hui avoisinent 1 000 euros, calcule Pascal Minguet. C’est ce qui explique sa démocratisation actuelle. » Conseiller municipal jusqu’en mars dernier à Jouhe (Jura, 500 habitants), cet ancien journaliste de la presse spécialisée informatique et télécommunication est aussi le premier créateur d’un Fab Lab rural (le cinquième ouvert en France). En fonctionnement depuis juin 2012, il est situé derrière la mairie, dans l’ancienne école de Biarne (Jura, 350 habitants). Un lieu convivial, intergénérationnel, où l’on vient inventer, échanger, s’entraider, dans un esprit d’ouverture et de coopération.
Boutons de four ou prototypes
Quels ont été les premiers objets made in Biarne ?
« Il s’agissait de fabriquer une petite pièce plastique pour réparer une fenêtre oscillo-battante, dont le fabriquant avait déposé le bilan. Depuis, en petite série, on a contribuer à réparer d’autres fenêtres dans el secteur. On a aussi aidé une grand-mère à remplacer un bouton de four dont le modèle n’existait plus dans le commerce. » Les besoins personnalisés des habitants n’ont pas de limite : création de supports d’antenne, invention de support pour talkies-walkies placés sur les guidons de vélos… Les professionnels y ont aussi recours, comme cet architecte de Besançon qui a imprimé son projet ne 3D afin de concourir pour la construction d’un bâtiment municipal en Suisse. Les entreprises, elles, utilisent déjà beaucoup ce système pour des services de prototypage.
Les Fab Labs, qui offrent la possibilité de fabriquer des produits proches des besoins des consommateurs, pallient les manques de la production de masse et assurent la durabilité des objets, en luttant contre l’obsolescence programmée par les industriels. « Si on continue à jeter tous les produits dès qu’ils ont un problème, on va droit dans le mur, car il n’y aura plus assez de ressources pour couvrir les besoins de la population mondiale », analyse Paszcal Minguet. Une autre forme d’économie vient donc s’ajouter au système capitaliste classique. D’autant plus que les Fab Labs pionniers, sont conçus comme des lieux ouverts d’échange mondial de savoirs, avec des objets libres de droits, de manière à ce que chacun puisse les reproduire et les améliorer.
Un enjeu majeur pour les années à venir
A Biarne, tout a débuté par des problèmes de connexion. Quand Pascal Minguet vient habiter à Jouhe en 2008, les 512 habitants du village ne sont quasiment pas reliés à Internet. Ils décident donc de constituer un collectif de protestation, tiennent un blog… et finissent par être entendus par leurs élus. Malheureusement après déploiement du wimax hertzien, 40 % des maisons demeurent toujours numériquement coupées du monde. Les habitants créent l’association Net-IKi, pourvue d’un local commun d’accès au web et d’ateliers d’initiation divers. Dès 2010, le conseil régional les met en contact avec un think tank national, qui s’intéresse au développement des Fab Labs. Leur projet débute en même temps que Toulouse, Nantes, Cergy-Pontoise, Lille et Nancy ! « Côté équipement, on peut démarrer de manière modeste, avec 5 000 euros. C’est ce que nous a donné le conseil général du Jura », assure Pascal Minguet.
Aujourd’hui, le Fab Lab de Biarne compte 75 membres associés et il bénéficie de la compétence d’un noyau dur de bénévoles aguerris en informatique. Car, avant d’imprimer en 3D, il faut d’abord apprendre à concevoir le fichier numérique d’un objet en 3D, ce qui suppose de savoir manier des logiciels de modélisation. L’apprentissage se déroule sur place, en conformité avec la charte d’éthique de fonctionnement du réseau mondial : « Chaque utilisateur doit apprendre à fabriquer son objet lui-même. La formation dans le Fab Lab s’appuie sur des projets et l’apprentissage par des pairs. Chacun doit prendre part à la capitalisation des connaissances et à l’instruction des autres utilisateurs. »
Comme les Fab Labs travaillent en réseau, Pascal Minguet est confiant dans leurs possibilités d’extension. « Nous venons d’aider la commune de Champagnole (Jura, 8058 habitants) à monter son propre Fab Lab, dans les locaux du lycée Paul-Emile Victor. J’ai connaissance d’autres proejts pour 2014, dans le Jura, le Doubs, la Haute-Saône, sur le Territoire de Belfort, en Côte d’Or, en Saône et Loire… A mon avis, il ne faut surtout pas s’adresser à un bureau spécialisé pour monter une telle structure, mais plutôt demander l’aide du Fab Lab le plus proche de sa commune ». Le maillage idéal, selon Pascal Minguet, serait que chaque citoyen puisse avoir accès à un Fab Lab à trente minutes maximum de son domicile. « L’inclusion numérique, conclut-il, est l’un des enjeux majeurs des élections municipales en 2014 comme dans six ans.
Chantal Béraud.
Le Journal des Maires – sommaire du n° de mars-avril 2014
Votre commentaire